Les nouveaux nés numériques des médias européens sont fermement ancrés dans le journalisme, plutôt que dans la technologie ou la finance et subissent les mêmes problèmes de financement et de distribution que leurs concurrents des médias traditionnels. Ils réussissent le mieux dans les pays où les médias d’information traditionnels sont plus faibles. Beaucoup ont été lancés, principalement, pour produire une matière journalistique de qualité ou pour avoir un impact social.
Ces résultats sont basés sur des entretiens avec la rédaction en chef et le personnel de 12 nouveau-nés numériques des médias sur quatre marchés européens différents: la France, l’Allemagne, l’Espagne et le Royaume-Uni. Les médias concernés par cette étude comprennent un mélange de médias nationaux à but lucratif ou non lucratif et des acteurs internationaux.
Le rapport « Digital-born news media in Europe,” élaboré par “the Reuters Institute for the Study of Journalism », aboutit à quatre principales conclusions:
- Les nouveaux nés numériques des médias sont clairement enracinés dans la profession du journalisme. Les médias visées par la recherche ont généralement été lancées par des journalistes, en s’appuyant sur l’expérience des médias traditionnels, plutôt que par des hommes d’affaires ou des ingénieurs (et fonctionnent généralement sans le type d’investissement majeur qui a alimenté l’expansion de certaines chaines internationales basées aux États-Unis). Produire une matière journalistique de qualité ou qui un impact social sont des objectifs plus importants que l’innovation numérique ou la création de nouveaux médias à but lucratif.
- Les nouveaux nés numériques des médias sont généralement plus importants en Espagne et en France, où les médias traditionnels sont relativement plus faibles, qu’en Allemagne et au Royaume-Uni, où les médias traditionnels demeurent solides. Sur les différents marchés, ils sont nettement plus petits en termes de portée, de revenus et de ressources éditoriales que les grands médias traditionnels.
Les nouvelles entreprises journalistiques semblent avoir trouvé le plus de succès, là où les médias traditionnels sont faibles, plutôt que là où les médias numériques sont largement les plus utilisés et où le marché de la publicité en ligne est le plus développé.
- Bien que différents à certains égards, nous constatons que les organisations européennes des nouveaux nés numériques des médias sont similaires, sous d’autres aspects, aux médias traditionnels. Certes, il existe certaines matières journalistiques intéressantes qui sont en train d’être publiées. Mais, généralement, les cas traités ne sont pas nécessairement plus innovants qu’ils ne le sont sur les principaux médias traditionnels en termes de modèles de financement, stratégies de distribution ou priorités éditoriales. Cela reflète leur attention pour le journalisme bien plus que pour les affaires et la technologie.
- Les nouveau-nés numériques des médias et les médias traditionnels font face à des défis très similaires en ligne, en particulier ceux relatifs au financement et à la distribution. En termes de financement, le marché de la publicité en ligne reste difficile pour tous les producteurs de contenus. L’évolution du nombre d’abonnés est généralement progressive.
En conséquence, les médias numériques d’origine adoptent les mêmes approches – vidéo, publicité, divers modèles de rémunération et diversification commerciale – que leurs homologues traditionnels. Les chiffres fermes sont difficiles à trouver, mais les données disponibles démontrent que la plupart des médias numériques sont financièrement plus stables mais faiblement rentables.
En termes de distribution, le passage d’une relation directe entre le producteur et les utilisateurs à une relation de plus en plus intermédiée par les moteurs de recherche et les médias sociaux représente la même combinaison de défis et d’opportunités pour les nouveaux nés numériques des médias que pour les médias traditionnels.
Notre analyse plus détaillée couvre trois domaines connexes: les modèles de financement, les stratégies de distribution et les priorités éditoriales.
Nous identifions trois différents modèles de financement, et nous discutons des avantages et des faiblesses de ces modèles pour différents types de nouveau-nés des médias numériques.
Le modèle soutenu par la publicité est le plus répandu parmi les acteurs numériques les mieux établis et les plus anciens qui visent une portée plus large. Tandis que les nouveaux médias de presse numériques ont généralement opté pour un modèle soutenu par le système d’abonnements ou par un don et visent à desservir plus de niches. Ils fonctionnent tous sur une base de coûts moins élevés que la plupart des médias traditionnels, avec des rédactions plus restreintes, des équipes plus réduites et des coûts de distribution plus faibles.
En termes de stratégies de distribution, la plupart des organisations que nous examinons sont encore en grande partie construites autour d’un site web pour leur financement par la publicité, par les abonnements ou par les dons. Elles travaillent toutes à exploiter les moteurs de recherche et les médias sociaux pour une plus grande portée et pour promouvoir leur matière journalistique. Cependant, elles sont également conscientes des risques de devenir trop dépendantes des plates-formes externes qui peuvent changer leurs priorités au fil du temps. Plusieurs organisations ont souligné le rôle précieux du courrier électronique (e-mail) en tant que canal non intermédié pour communiquer directement avec les lecteurs.
Les médias numériques d’actualité ont des priorités éditoriales différentes, mais ils cherchent tous à offrir des voix différenciées. Même la plus grande des organisations étudiées ne cherche pas à reproduire l’intégralité de la matière du journal imprimé. Alors que les plus grands médias étudiés français et espagnols se rapprochent le plus d’un journal en ligne, ils restent sélectifs quant à la portée de leur couverture. D’autres organisations médiatiques se concentrent plus étroitement sur des créneaux particuliers tels que le journalisme d’investigation, où ils estiment pouvoir apporter une contribution distincte. L’impact social est un objectif commun, qui est en phase avec la tradition de plaidoyer de nombreux journaux.
Nous trouvons, parmi ces médias numériques, des attitudes différentes vis-à-vis des médias traditionnels. Certains se considèrent comme des concurrents, d’autres comme des suppléments aux médias installés, tandis que les médias spécialisés en journalisme d’investigation sont heureux de travailler en partenariat avec les médias traditionnels sur les sujets brulants.
Remarque: La première version de cet article a été publiée sur le site en anglais de l’Observatoire Européen du Journalisme (AJO). Le rapport complet est disponible via ce lien.
Crédit photo @Juan Cristobal Cobo
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