Aujourd’hui plus que jamais, le journalisme est confronté à une grave crise de crédibilité, de confiance du public et, finalement, de pertinence. En effet, l’émergence de nouvelles formes de manipulation médiatique « Fake news » prouve que le journalisme transparent et fondé sur les faits est plus important que jamais.
C’est la pertinence qui a poussé des générations d’éditeurs à poser la question-clé de tout récit journalistique: qui s’en soucie? La pertinence du journalisme était liée au public: une histoire devait être étroitement liée au public qui doit se l’approprier, rappelle Michelle Betz dans son article publié dans le rapport annuel 2016-2017 de International Media Support (IMS).
Betz explique cette situation, entre autres, par la centralisation des médias. En effet, selon le rapport, dans la plupart des pays où IMS travaille, les sièges des médias sont situés dans les capitales.
« Ces médias concentrés dans la capitale, comme on l’a vu aux États-Unis, posent problème : le public ne les trouve pas pertinents et s’il n’y a pas de pertinence, il n’y a pas de public et donc pas de revenus », lit-on dans ce rapport.
En d’autres termes, connaître et comprendre les personnes en tant qu’individus et communautés, plutôt que comme masse, est une nécessité pour les médias pour opérer et prospérer. Betz cite dans ce sens le récent livre intitulé «Le pouvoir de tout» (The Power Of Everything) où le journaliste et chercheur Mark Lee Hunter reprend cette idée et souligne l’importance des médias axés sur les intervenants qu’il définit comme «médias créés et contrôlés par des communautés de pratiques et d’intérêts» et sur les parties prenantes définies comme «personnes qui affectent ou sont touchées par des problèmes».
On pourrait, selon Betz, soutenir l’idée que les médias doivent être centrés sur l’auditoire dont il faut avoir une compréhension claire. En effet, cela a été un défi constant dans de nombreux environnements, les développeurs de médias appellent à une plus grande recherche sur l’auditoire. Cependant, un tel ciblage sur le public devrait également exiger un engagement responsable et transparent à l’égard de ce public.
Un peu partout dans le monde, on observe déjà les manifestations d’un changement vers des médias axés sur les publics. En effet, les récentes subventions accordées aux équipes rédactionnelles à but non lucratif basées aux États-Unis, par exemple, favorisent les salles de rédaction focalisées sur l’actualité nationale et locale en tant que nouveaux modèles «pour la créativité, la collaboration et l’engagement civique». Ils apportent de nouveaux profils au journalisme (blogueurs…), mettent en évidence de nouvelles voix et racontent des histoires plus complètes et profondément pertinentes.
Cette nouvelle approche de la production journalistique induit la participation d’acteurs locaux et l’identification des segments communautaires du public, ce qui permet au discours journalistique de gagner en pertinence. Cette pertinence dans le journalisme concerne, selon Betz, la transparence, la responsabilité, le service public et un public clairement identifié. Ce qui est difficile à appréhender, cependant, c’est la façon dont ces facteurs sont liés et influencés par l’environnement médiatique actuel en constante évolution.
« Glocalisation » de l’information mais…
La question de la pertinence et du public (de masse) est aujourd’hui associée à la vitesse avec laquelle le secteur continue de changer. La diffusion des médias Internet, mobiles et sociaux a fondamentalement changé et continue de changer les médias et par la même, le concept de la pertinence.
D’une part, il y a ceux qui croient que ces changements nous ont amenés à «des réseaux horizontaux de communication interactive qui relient le local et le global à un temps choisi», indique Betz. Ce passage aux réseaux de communication horizontaux et interactifs plutôt que verticaux « top-down » et institutionnels est significatif car il souligne que les médias ne sont pas les détenteurs de pouvoir mais constituent plutôt l’espace où le pouvoir est négocié.
D’autre part, le rapport fait référence à ceux qui mettent en garde contre ce qu’ils appellent une sorte de « sceptre numérique qui permet de gouverner efficacement les masses sans impliquer les citoyens dans les processus démocratiques », ce qui implique d’assurer en toute urgence un engagement citoyen plus audacieux.
La diffusion des médias et le passage à des réseaux de communication horizontaux et interactifs ont conduit à la « glocalisation » de l’information: une information caractérisée, selon Betz, par des considérations à la fois locales et mondiales.
Pourtant, il existe de nombreuses communautés où une partie importante n’a pas accès à Internet ou aux médias sociaux. En effet, selon l’UIT (Union internationale des télécommunications), près de 4 milliards de personnes restent, de nos jours, coupées des vastes ressources disponibles sur Internet. Si les pays en voie développement fournissent la grande majorité des internautes (2,5 milliards contre un milliard dans les pays développés), la pénétration de l’Internet raconte une histoire différente: 81% dans les pays développés sont connectés, contre 40% dans les pays en voie de développement et 15% dans les pays les moins avancés.
En outre, il y a un problème d’accessibilité. Le récent rapport de Freedom House « Freedom on the Net » a révélé qu’en 2016, « des gouvernements, dans le monde entier, visaient, plus que jamais auparavant, de manière agressive des applications de communication et de médias sociaux « .
Le rapport a révélé que les deux tiers de tous les internautes, soit 67%, vivent dans des pays où la critique du gouvernement, de l’armée ou de la famille dirigeante a fait l’objet de censure.
Certes, Internet change de plus en plus les concepts traditionnels de la communication de masse. Cependant, les statistiques démontrent que les politiques gouvernementales limitent, elles aussi, l’accès de certaines communautés de la population mondiale au contenu d’Internet.
Remarque : Pour lire le rapport complet, cliquez sur ce lien
Tagscentralisation géographique, confiance, crédibilité, diffusion, glocalisation, production médiatique