Oman : les médias indépendants sous pression

novembre 18, 2016 • Articles récents, Derniers articles, Liberté de presse et censure, Media et Politique, Media et Politique • by

Quelques titres de journaux à Oman

Quelques titres de journaux Omanais

La Cour d’appel omanaise se prononcera le 17 Novembre sur le sort de trois journalistes mis en garde à vue suite à une décision du tribunal de première instance, le 26 septembre avant de les relâcher temporairement le 10 Octobre.

L’emprisonnement de ces trois journalistes et la fermeture de leur journal « Al Zaman » ont reflété une détérioration de la situation des libertés dans le sultanat, au moment où l’état de santé du sultan Qaboos Ibn Said, à la tête du pays depuis 1970, est une source majeure d’inquiétude.

Les autorités ont arrêté en juillet dernier le rédacteur en chef du journal indépendant, « Al  Zaman », Ibrahim Maamari, son directeur de la rédaction, Yousef Al Haj ainsi que le responsable de la section de l’actualité nationale Zahir Al Ebri, pour «diffusion d’informations sur une affaire de corruption au sein du pouvoir judiciaire ». En plus, le Tribunal de première instance de Mascate a condamné Maamari et Al Hajj à trois ans de prison et à une amende. Le tribunal leur a interdit de pratiquer le journalisme pendant un an. Al Ebri a, quant à lui, été condamné à une année de prison et à une amende.

Le tribunal les a, ensuite, libérés sous caution, qu’il a réduite de 50 000 RO (Rials Omanais)  (117.500 euros) à deux mille RO (4.700 euros) pour Maamari et Al Hajj. Cependant, la décision la plus grave prise par cette cour, a été celle de la fermeture définitive du journal.

Avant le  jugement dans l’affaire de « Al Zaman », l’écrivain omanais Hamoud Shukaily a été temporairement libéré après avoir été condamné par  le Tribunal de première instance de Mascate le mardi 18 Octobre 2016, à trois ans de prison, en plus d’une amende de 1000 RO.

La décision de condamner Shukaily  a été fondée sur la violation de l’article 19 de la «loi sur la cybercriminalité »,  le tribunal a également décidé de confisquer « les dispositifs utilisés dans le crime» et de faire payer au condamné une caution de 5000 Rials. Le «crime» pour lequel il a été  arrêté par la police le 14 Août 2016, était un poème rendu public par l’écrivain en tant qu’extrait d’un livre qu’il envisageait de publier.

D’autre part, les autorités ont libéré un autre écrivain le mercredi 19 octobre,  Dr. Saud Zadjali, après environ deux semaines de détention, selon le journal électronique indépendant « Al Balad ».

La  baisse des recettes pétrolières  (Oman produit jusqu’à environ un million de barils par jour) a entrainé une réduction sérieuse des ressources budgétaires de l’Etat, réduisant la marge de manœuvre du gouvernement face aux revendications sociales pressantes principalement liées au chômage et à la lutte contre la hausse des prix.

Les mêmes difficultés rencontrées par d’autres pays du Golfe ne leur permettent pas d’envisager une assistance au Sultanat, en particulier à la lumière des grandes charges supportées par ces pays en raison de la guerre menée au Yemen.

Le « cauchemar » de 2011

En fait, Oman est l’un des pays du Conseil de coopération du Golf les plus fermés. Les médias y sont l’objet du contrôle des autorités qui surveillent également les diverses manifestations populaires et ne permettent pas la critique des responsables. De ce fait, l’organisation « Reporters sans frontières » a classé, en 2016, Oman au 125e rang dans le baromètre mondial de la liberté de la presse qui compte 180 pays.

Un jeune journaliste omanais qui a choisi le pseudonyme « Mansour al-Zawawi, » a remarqué que les médias omanais ont reçu les ordres de ne pas couvrir ou commenter le procès des journalistes de  «Al Zaman» et celui de « Shukaily ».

Zawawi a revendiqué dans une déclaration accordée à « Swissinfo » de permettre au journal de reprendre sa publication et d’abandonner les charges contre les trois journalistes et le poète « Shukaily ».

Le traitement répressif des médias indépendants démontre la crainte des autorités de l’explosion de nouvelles protestations qui  feraient connaître au pays la vague de contestations qui a éclaté à Sohar (nord), non loin de la frontière avec les Emirats arabes unis dans le contexte du printemps arabe entre janvier et mai 2011. Ces manifestations se sont étendues à Salalah, la capitale du Dhofar, où les manifestants ont occupé, des mois durant, la place du gouvernorat.

Dans une déclaration à « Swissinfo », Ali Bakis, un manifestant qui a participé au premier rassemblement protestataire entamé le 17 janvier, a indiqué que le mouvement de protestation s’est basé  sur l’article 29 de la loi fondamentale de l’Etat relative à la liberté d’opinion et d’expression, et sur l’article 32 relatif au droit des citoyens à se réunir dans le cadre de la loi. Il n’a souligné que les réseaux sociaux tels que Twitter et Facebook, ont joué un rôle important dans la mobilisation de la population pour les manifestations, dont un sit-in de jeunes à Salalah, près des frontières du Yémen, le 25 Février 2011 exigeant des réformes politiques, économiques et sociales.

Une exception qui confirme la règle, le journal électronique indépendant « Al Balad » est considéré comme une voix crédible dans le paysage médiatique omanais . Il est édité par  la société  » AL Balad pour les Solutions numériques » depuis le 7 mai 2012, à l’aide d’une équipe de professionnels expérimentés. Mais il reste une voix couverte par la cacophonie des médias pro-régime, qui ont l’habitude de dissimuler l’information et de pratiquer la langue de bois.

Le dilemme de la succession

Il y a ceux qui attribuent l’extrême prudence des autorités omanaises à élargir le cercle de participation à la nature du contexte régional caractérisé par des guerres civiles et des conflits ethniques au Yémen, en Syrie et en Irak, ce qui signifie veiller à éloigner le pays de l’extension des incendies qui font rage dans cette région.

Les menaces sur la santé de Sultan Qaboos Ibn Said, 75 ans, n’aident pas à améliorer la situation. Le Sultan a réduit ses activités depuis son hospitalisation en Allemagne en 2014 pour traiter son cancer du côlon.

De ce fait, la fermeture du journal « Al Zaman » et l’emprisonnement de ses 3 rédacteurs intervient dans un contexte de restriction par le gouvernement, des domaines de la participation politique afin de garder la situation sous contrôle, craignant le déclenchement de troubles à la faveur de la maladie du sultan.

 

Remarque: Cet article est traduit de l’arabe d’un article original publié sur le site de Swiss Info : www.swissinfo.ch

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