La loi sur la libre circulation de l’information en Égypte: activation du droit d’accès à l’information ou menace à la liberté d’expression et d’information?

octobre 14, 2017 • Articles courts, Articles récents, Ethique et Qualité, Liberté de presse et censure, Media et Politique, Media et Politique • by

Crédit Photo @arab48

Les instances médiatiques égyptiennes et la Chambre des députés vont discuter avec le démarrage de la session parlementaire en ce mois d’octobre, plusieurs lois relatives à l’organisation du secteur médiatique, au droit de la presse et de l’information, au droit de la libre circulation de l’information, à la lutte contre l’anarchie des médias sociaux et à la cybercriminalité.

La loi relative à la circulation de l’information déposée par le Conseil supérieur de régulation des médias auprès du Conseil des ministres de la Chambre des députés égyptiens, est considérée parmi les lois les plus controversées et critiquées par les juristes, les organisations qui défendent la libre circulation des informations en Egypte, y compris le syndicat des journalistes, l’association de la « liberté de pensée et d’expression » et les organisations internationales telles que « Reporters Sans Frontières ».

Selon l’ex Président du syndicat des journalistes égyptiens Yahia Qalash, qui a exprimé son rejet de la loi sous sa forme actuelle, « les journalistes en Egypte sont devenus des fonctionnaires de l’information, sous l’influence des dispositifs juridiques ou de l’interdiction de la circulation de l’information ».

Ceci est dû aux mesures prises par les autorités égyptiennes afin de bloquer les sites web qu’ils considèrent comme des sites incitant au terrorisme et menaçant la sécurité nationale. Selon Qalash, la loi sur la liberté d’information sera en fait un projet de loi visant à bloquer l’information. L’ancien Président du syndicat des journalistes a exigé que le bureau du syndicat actuel ou au moins, l’assemblée générale, intervienne dans la discussion et l’amendement du projet étant donné qu’« une telle loi ne pourra pas être adoptée sans discussion ».

Avec l’évolution du nombre de sites électroniques censurés, le nombre des contestataires du projet de loi de la libre circulation des informations dans sa forme actuelle a évolué. Le nombre des sites bloqués a d’ailleurs dépassé 130 sites web à caractère informatif et social, ainsi que des sites des organisations et des associations des droits de l’homme tel que le site de la Commission égyptienne des droits et des libertés (CEDL), qui a été censuré le 5 septembre dernier, obligeant l’organisation à publier un communiqué condamnant la censure. Cette action menée par le gouvernement égyptien constitue une « nouvelle infraction contre le droit de tous ceux qui vivent en Egypte, à la libre circulation de l’information et à l’accès à celle-ci », selon la CEDL.

En continuant à bloquer certains sites dont la plupart sont des sites d’information connus par leur « engagement à assurer la neutralité politique », l’association « La liberté de pensée et d’expression » (qui est un groupe d’avocats et de chercheurs travaillant dans une institution juridique indépendante conformément à la loi égyptienne qui a été créé en 2006. L’institution s’occupe des questions relatives à la promotion et à la protection de la liberté de pensée et d’expression en Égypte) a déposé une plainte devant le tribunal administratif, considérant que cette action a violé l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi que l’article 65 de la Constitution égyptienne qui garantit les libertés d’opinion et d’expression.

L’association a déclaré dans sa plainte que « des sources étatiques ont déclaré aux médias que ces sites ont été censurés car ils soutiennent le terrorisme et propagent des mensonges, bien que la liste des sites censurés comprenait un certain nombre de sites d’informations indépendants qui n’ont aucun lien avec le courant religieux et qui n’ont jamais été accusés de promouvoir le terrorisme, comme par exemple les sites de  » Mada Masr « , « Al-Bayt « ,  » Masr Al-Arabia « ,  » Al-Masryoun « ,  » Al-Badeel « , « Boursa  » ou « Daily News ». Par la suite, le site  » PROJET  » a été également censuré ».

Selon l’Association de la liberté de pensée et d’expression, le gouvernement égyptien n’a pas expliqué le fondement légal de la décision de blocage des sites web. Elle explique ceci par le fait que l’option adoptée par le gouvernement en bloquant des sites qu’il considère comme favorables au terrorisme pourra « concentrer les sources d’information entre les mains des parties qui leur sont favorables, ce qui fait que cette décision relève de l’abus de pouvoir ».

L’Association de la liberté de pensée et d’expression s’est fondée dans sa plainte sur le la violation de l’article 57 de la Constitution, qui considère qu’il est inacceptable de désactiver ou d’arrêter les moyens de communication ou d’en priver les citoyens de façon arbitraire. Elle s’est fondée aussi sur la violation d’un certain nombre de jugements de la Cour constitutionnelle suprême et de la justice administrative, ainsi que de la Déclaration universelle des droits de l’homme, et d’un certain nombre de décisions et de chartes des Nations Unies ratifiées par le gouvernement égyptien.

L’organisation Reporters Sans Frontières a également mis en garde contre l’impact de cette censure de la liberté d’expression et d’information en Égypte, surtout que le pays se prépare aux élections présidentielles prévues pour l’année prochaine. Alexandra Al-Khazen, directrice du bureau du Moyen-Orient de Reporters Sans Frontières, a déclaré que « cette censure qui est observée en Egypte à des niveaux sans précédent, prive le grand public de l’accès à l’information libre et indépendante, loin du contrôle de l’Etat ».

Le blocage des sites d’information est considéré par l’organisation comme étant « une continuation d’une politique de privation de liberté par le régime qui a positionné l’Egypte parmi les plus grandes prisons des journalistes au monde et la classer le 161ème pays sur 180 selon le classement de 2017 de Reporters Sans Frontières.

La dernière décision de blocage de plusieurs sites d’informations n’est pas une première vu que les autorités égyptiennes ont bloqué auparavant les services vocaux de certaines applications électroniques telles que Skype, et ils ont aussi perturbé le fonctionnement de certaines applications, sous prétexte qu’elles peuvent constituer une menace à la sécurité nationale.

Remarque: Cet article a été publié la première fois sur le site arabe de l’Observatoire Arabe du Journalisme et traduit par Nouha Belaid

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