Comment sauver la presse écrite tunisienne?

août 15, 2019 • Articles récents, Derniers articles, Economie des médias, Économie des Médias, Les infos du numérique, Modèles économiques • by

 

La disparition des journaux imprimés est un phénomène mondial qui a démarré réellement depuis 2009. Ainsi de grands titres internationaux et arabes se sont retirés de la scène médiatique, tel que le grand journal libanais « Assafir » (السفير). D’autres journaux ont trouvé dans le lancement de la version digitale une solution pour faire survivre leur journal papier, à l’instar du quotidien arabophone « Al Maghreb » en Tunisie.

Une étude a été publiée récemment sur l’avenir de la presse écrite en Tunisie, a confirmé que le tirage des quotidiens tunisiens est tombé à 120 700 exemplaires, pour une diffusion approchant les 70 000 exemplaires et un lectorat de 180 000 personnes. L’audience globale de la presse est cependant estimée à 11 % seulement de la population. C’est la raison pour laquelle d’ailleurs, les investissements publicitaires dans le numérique dépasseront ceux de la presse écrite entre 2019 et 2021, étant donné que la majorité des Tunisiens sont réellement présents aujourd’hui sur Net, même en évoquant la télévision et la radio. Internet est devenu la première source d’informations pour les Tunisiens, ce qui a poussé beaucoup de journaux et de magazines tunisiens à disparaître.

Mais il existe déjà en Tunisie jusqu’à présent différents types de journaux et de magazines. Il y certains journaux quotidiens et d’autres périodiques. Certains magazines sont mensuels et d’autres trimestriels. Puis avec la décentralisation médiatique, la presse régionale a évolué afin de traiter les questions de certaines régions de la Tunisie.

Cartographie de la presse écrite en Tunisie

Suite à la « révolution » du 14 janvier 2011, l’Instance Nationale pour la Réforme du domaine de l’Information et de la Communication (INRIC) a été lancée. Cette instance était chargée d’évaluer la situation du secteur et de présenter des propositions de réforme en phase avec les standards internationaux en matière de liberté d’expression et d’information.

Toute suite après, trois décret-loi sont passés entre mai et novembre 2011, dont deux qui intéressent directement la presse écrite : le décret-loi 2011-41 relatif à l’accès aux documents administratifs des organismes publics et le décret-loi 115 du 2 novembre 2011 relatif à la liberté de la presse, de l’impression et de l’édition, qui est actuellement en cours de refonte.

Par contre, la loi sur la publicité commerciale date du 25 mai 1971 et modifiée à deux reprises, en 2001 et 2010, pour seulement professionnaliser le secteur des agents. Mais elle « reste très vague pour réguler le secteur et se contente surtout d’acter la fin du monopole de l’Agence tunisienne de publicité (créée en 1962) qui est dissoute ».

Certaines lois de finance concernent également la presse à savoir celle de 2018, qui prévoit que « les entreprises de presse écrite tunisiennes ayant connu une baisse de leur chiffre d’affaires durant l’année 2016 d’au moins 10 % […] et qui maintiennent l’ensemble de leurs employés […] bénéficient de la prise en charge par l’Etat de la contribution patronale au régime légal de sécurité sociale », et ce, pour une durée de cinq ans.

Les recommandations à retenir

Les auteurs de cette étude ont proposé 30 recommandations à retenir, sachant qu’ils ont été formulées selon quatre rubriques: mieux produire, mieux gérer, mieux diffuser et mieux vendre :

**Faciliter l’accès aux documents administratifs des organismes publics

**Soutenir la presse régionale pour une information de qualité

**Mettre en place une cartographie réelle de la scène médiatique tunisienne

**Impliquer des pigistes dans la production de l’information

**Mettre en place des synergies entre des groupes médiatiques

**Revoir la conception éditoriale des journaux, ce qui rend un plan de formation d’envergure est indispensable aujourd’hui, pour faire adapter les compétences des équipes aux nouveaux besoins et accompagner le changement numérique

**Revoir le texte législatif en considérant les entreprises de presse comme des sociétés de production d’information, quel que soit le support de diffusion de cette information

**Organiser d’une façon régulière une conférence internationale sur le modèle de « La Presse au futur » réunissant des exposants d’horizons divers et permettant de confronter les expériences menées sur les deux rives de la Méditerranée

**Développer des incubateurs médias au sein ou en dehors des grands groupes de presse, pour accélérer la transition numérique des anciens acteurs et soutenir le pluralisme des nouveaux.

**Mettre en place une commission paritaire similaire à celle des publications et agences de presse (CPPAP) en France, chargée d’émettre des avis sur les projets soumis à l’aide publique à la presse écrite.

**Réaliser une étude indépendante sur l’économie de la publicité en Tunisie permettant d’ouvrir la voie à un code unique unifiant les différentes législations, à un organisme professionnel de réglementation indépendant, à d’éventuelles formes d’incitation fiscales et à une réflexion sur les secteurs interdits de publicité.

**Offrir l’espace aux lecteurs pour qu’ils expriment librement leurs avis et développer avec eux des modalités d’échange et de dialogue

**Développer une véritable stratégie digitale en intégrant des community managers au profit des médias sociaux des journaux, et en nourrissant régulièrement la discussion avec sa communauté de fans

**Mettre des titres de presse à la disposition des élèves et des étudiants dans les écoles et les universités et créer des échanges entre eux et les journalistes pour encourager ces jeunes à la lecture de journaux. Des distributeurs automatiques dans les lieux de transport ou les universités pourraient également être mobilisés pour se rapprocher des nouveaux modes de vie des lecteurs.

**Monétiser le contenu des journaux et des archives pour donner de la valeur à chaque article publié

Notons ainsi que cette étude a été menée dans le cadre du Programme d’appui aux médias tunisiens (Media Up) de l’Union Européenne, en collaboration avec le Centre Africain de Perfectionnement de Journalistes et Communicateurs (CAPJC), et d’autres partenaires à savoir : France Médias Monde, Deutsche Welle Akademie, ANSA et Article 19 Tunisie.

N.B : Voir l’étude complète en cliquant ici

Print Friendly, PDF & Email

Tags, , , ,

Send this to a friend