Exactions commises contre les journalistes en 2017 : qu’en est-il pour le monde Arabe ?

janvier 3, 2018 • Articles récents, Derniers articles, Liberté de presse et censure, Media et Politique, Media et Politique • by

Crédit photo @RSF.org

Deux disparus, 54 pris en otage, 65 tués et 326 autres détenus, tel était le bilan annuel établi par Reporters Sans Frontière (RSF) sur les exactions commises en 2017 contre les journalistes dans le monde entier. Parmi ces journalistes, figure un nombre important de journalistes arabes détenus, pris en otage ou tués dans des zones ou des pays appartenant au Moyen-Orient et au Maghreb.

Les zones de fracture au Proche-Orient restent les régions les plus dangereuses pour les journalistes, estime RSF. Le Yémen s’enlise dans un conflit où l’une des forces belligérantes, les « Houthis », ne tolère aucune critique et continue de détenir 11 journalistes et collaborateurs de médias, contre 16 l’année précédente. Parallèlement, en Syrie et en Irak, 40 journalistes demeurent aux mains de « Daech » ou de groupes islamistes radicaux de type « Al-Nosra ».

Au moins 22 journalistes syriens et 11 journalistes irakiens sont actuellement retenus otage dans leurs pays respectifs. Le nombre exact de journalistes locaux en captivité reste difficile à estimer, dans la mesure où les familles et les proches préfèrent parfois ne pas révéler la disparition d’un journaliste de peur de perturber les négociations et de retarder leur libération. Souvent, ce sont les ravisseurs eux-mêmes qui leur imposent le silence. Ce black-out médiatique peut se prolonger plusieurs années.

Syrie, « l’usine à otages étrangers »

A ce jour, sept journalistes étrangers demeurent otages en Syrie, selon RSF. Trois d’entre eux subissent ce calvaire depuis maintenant plus de cinq ans. Austin Tice, journaliste américain qui collaborait avec le Washington Post et Al Jazeera English et Bachar al-Kadumi, journaliste palestino-jordanien de la chaîne Al-Hurra, ont disparu courant août 2012 ; le premier dans la banlieue de Damas, le deuxième à Alep.

Quelques mois plus tard, en novembre, John Cantlie était à son tour enlevé avec son confrère James Foley, qui sera assassiné par Daesh le 19 août 2014. Le reporter britannique n’est plus un otage comme les autres. Instrumentalisé par ses ravisseurs qui l’utilisent comme porte-parole pour leur propagande médiatique, John Cantlie apparaît occasionnellement dans des vidéos scénarisées à la gloire de Daesh, à chaque fois un peu plus amaigri et marqué. Sa dernière apparition, dans les rues de Mossoul, remonte à décembre 2016.

Une équipe de Sky News Arabia, composée du journaliste mauritanien Ishak Moctar et du caméraman libanais Samir Kassab, qui était en reportage à Alep a été portée disparue en octobre 2013. Six mois plus tard, le journal libanais Al Joumhouria assurait qu’ils étaient vivants et avaient été déplacés dans la province de Raqqa sans autres précisions. Depuis, plus rien. Un journaliste japonais freelance, Jumpei Yasuda, est également otage depuis l’été 2015. A ce jour, la seule et unique preuve de vie est une vidéo enregistrée en mars 2016, le jour de son 42ème anniversaire. Son message ne contenait aucune indication sur ses ravisseurs. Le plus grand flou entoure également l’enlèvement, au tout début de l’année 2017, du photo-journaliste sud-africain indépendant Shiraaz Mohamed, qui travaillait pour la Fondation Gift of the Givers. Il a été enlevé avec deux employés de l’ONG par des individus se présentant comme “des représentants de tous les groupes armés en Syrie » pour “régler un malentendu”. Les employés ont été libérés, lui pas. L’ONG et ses proches attendent toujours une preuve de vie.

Journalistes détenus : la Syrie parmi les pays les plus dangereux

Plus de la moitié des journalistes détenus à travers le monde le dont dans seulement cinq pays différents, à savoir la chine (52), la Turquie (43), la Syrie (24), l’Iran (23) et le Vietnam (19).

Au total, au 1er décembre 2017, 326 journalistes sont en détention dans le monde pour avoir exercé leur mission d’information. C’est moins qu’en 2016 où l’on comptabilisait 348 journalistes derrière les barreaux (187 journalistes professionnels, 146 journalistes-citoyens et 15 collaborateurs des médias emprisonnés).

Journalistes tués : une tendance à la baisse

En 2017, 65 journalistes (incluant les journalistes professionnels, les non-professionnels ainsi que les collaborateurs de médias) ont été tués dans le monde. En effet, l’assassinat de journalistes dans le monde en général et dans le monde arabe en particulier est en baisse par rapport à l’année dernière, cette tendance à la baisse s’explique, entre autres, par le fait que des pays, devenus trop dangereux, se vident de leurs journalistes, explique RSF. C’est le cas de la Syrie, de l’Irak, du Yémen, de la Libye où l’on assiste à une hémorragie de la profession. Certains journalistes font même le choix d’abandonner leur métier, au profit d’un autre, moins risqué. L’impossibilité de couvrir autrement qu’au péril de sa vie n’est pas l’apanage des seuls pays en guerre.

Si en 2017, la Syrie reste, comme depuis six ans, le pays le plus meurtrier au monde avec 12 journalistes tués, le Mexique suit de près avec 11 tués, tous sciemment visés. Comme l’an dernier, le Mexique est le pays en paix le plus dangereux au monde pour les reporters.

Déchirée par un conflit sanglant sans fin, la Syrie, reste le pays le plus meurtrier pour les journalistes depuis 2012. Sur le terrain, le danger est partout et les reporters, qu’ils soient professionnels ou non, sont en permanence exposés aux tirs de snipers, aux missiles ou à l’explosion d’un engin artisanal ou d’un kamikaze. Les journalistes locaux sont les plus exposés, d’autant que la présence des reporters étrangers a fortement diminué ces dernières années. Ces derniers ont toutefois commencé à affluer de nouveau dans le nord du pays notamment, vers le Rojava, pour couvrir la bataille de Raqqa ou encore celle de Deir Ezzor menée par les forces arabo-kurdes contre le groupe Etat islamique.
En Irak, huit journalistes ont été tués cette année. Là aussi, ce sont les journalistes locaux qui payent le plus lourd tribut. La chaîne pro-gouvernementale Hona Salaheddine a ainsi perdu deux journalistes tués par des combattants de l’Etat islamique.

Journalistes disparus : pas de cas signalé dans le monde arabe en 2017

Deux portés disparus seulement au cours de l’année 2017 le sont encore à ce jour, explique RSF. Tous les deux sont originaires du continent asiatique. Il s’agit de Samar Abbas et de Uptal Das. Dans les tous premiers jours de janvier 2017, cinq blogueurs pakistanais ont été enlevés. Après plusieurs semaines de détention, quatre d’entre eux ont été relâchés. Samar Abbas, lui, n’est jamais réapparu.

Le reporter du portail d’information purboposhchimbd.news Uptal Das basé à Dhaka, a, quant à lui, quitté son bureau, vers 16 heures le 10 octobre,. Son père a porté plainte le 23 octobre, au lendemain d’une autre plainte portée par son rédacteur en chef. Les investigations n’ont jusque-là rien donné et le journaliste qui enquêtait notamment sur la Ligue Awani, le parti au pouvoir au Bangladesh, demeure disparu. Seul un journaliste burundais, Jean Bigirimana, a disparu en 2016. Si aucun cas de disparition de journalistes n’a été signalé en 2017 dans le monde arabe par RSF, les deux journalistes tunisiens Sofien Chourabi et Nadhir Ketari demeurent disparus en Libye depuis septembre 2014.

Lien du rapport complet : https://rsf.org/fr/bilan-des-journalistes-tues-detenus-otages-et-disparus-dans-le-monde-en-2017

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