Les startups médias peuvent-ils sauver le journalisme?

octobre 6, 2017 • Derniers articles, Économie des Médias, Economie des médias, Modèles économiques • by

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Les startups médias, des plateformes d’information bien établies, y compris Buzzfeed aux États-Unis et Mediapart en France, à des concepts plus récents tels que le ‘project R’ Suisse, sont souvent considérés comme des modèles d’innovation, d’inspiration et d’idées de financement radicales, offrant de l’espoir pour l’avenir du journalisme. Toutefois, des recherches allemandes récemment publiées indiquent que ces nouvelles entreprises tiennent rarement cette promesse.

Pour l’étude ‘Réorganiser le journalisme, une étude sur la formation de nouveaux médias, j’ai examiné 15 startups  médias allemandes. Les résultats suggèrent que les entrepreneurs en journalisme se présentent généralement avec optimisme, énergie et avec le but d’encourager un discours démocratique indépendant. Mais beaucoup méconnaissent les défis auxquels ils seront confrontés lors de la mise en place de leurs projets.

Principaux résultats :

  • *Les entreprises de nouveaux médias commencent principalement à partir d’une perspective de «pionniers». Il est peu probable que cette posture se concentre sur l’innovation, mais essaie plutôt de transférer les normes professionnelles du journalisme vers les environnements multimédias numériques. Les fondateurs des startups médias visent souvent à produire des contenus de haute qualité (de plus en plus rares dans les rédactions affectées par la réduction des budgets et des effectifs) plutôt que des contenus basés sur le principe du bénéfice et de la croissance.
  • *Certaines startups médias copient les « modèles de rémunération » périmés des journaux quotidiens. Cependant, ils rencontrent rapidement les mêmes problèmes que les médias établis: les lecteurs ne sont généralement pas disposés à payer pour les contenus en ligne, alors que les annonceurs sont réticents à confier leur publicité à des environnements journalistiques, car ils ont découvert des moyens plus efficaces d’atteindre les acheteurs potentiels.
  • *Les startups médias qui occupent des thèmes-niches et parviennent à atteindre des communautés spécifiques – par exemple des motocyclistes passionnés ou des jeunes de la « génération Y » à la recherche d’une carrière – gagnent plus facilement de l’argent. En connaissant les besoins de leurs utilisateurs, ces entreprises peuvent expérimenter de nouvelles sources de financement, telles que le commerce électronique, les services de consulting ou la formation. Les startups qui mettent l’accent sur des problèmes sociétaux ou politiques généraux rencontrent davantage de difficultés. L’étude suggère que plus le ciblage d’une startup média est dirigé vers les segments les plus larges de la société, plus il leur est difficile de générer des revenus.
  • *L’innovation et les nouvelles solutions sont potentiellement générées lorsque des personnes de différents milieux professionnels se rencontrent, selon des recherches sur la formation organisationnelle. Cependant, l’étude constate que les équipes derrière les startups médias allemandes sont généralement homogènes: de nombreux fondateurs ont eu des carrières traditionnelles: l’école de journalisme, les stages dans les salles de rédaction, les publications dans les journaux ou la radiodiffusion. Ils proviennent rarement d’autres industries. Pour y remédier, le projet R, la startup suisse qui a récemment mené une campagne de crowdfunding réussie et qui lancera son magazine en ligne, Republik en 2018, essaie une approche différente. Il a formé une équipe diversifiée composée d’économistes expérimentés, de journalistes, de techniciens et d’entrepreneurs de startups.
  • *Les fondateurs des startups médias sous-estiment souvent leur double rôle complexe: ils ne sont plus seulement des journalistes mais aussi des entrepreneurs médiatiques, des responsables du marketing, de la gestion de la technologie, des modèles de rémunération, etc. Des tâches traditionnellement incompatibles et concurrentes – la modération des processus journalistiques et économiques – doivent être assurées en parallèle. En fin de compte, une part considérable de leur temps de travail est liée à des tâches administratives bureaucratiques.

La recherche suggère que, contrairement aux attentes, les startups ne sont pas encore la solution aux problèmes du journalisme. Cependant, il existe des preuves que de nouvelles startups médias tentent d’apprendre des erreurs et des succès de leurs prédécesseurs.

Comment soutenir les startups médias ?

Les changements réglementaires pourraient aider à créer des conditions plus favorables pour les entrepreneurs des médias, par exemple: un financement initial plus important et plus intelligent pour les expériences journalistiques; une plus grande prise de conscience de l’esprit d’entreprise dans la formation au journalisme et moins de demandes bureaucratiques. Peut-être que de tels changements pourraient permettre aux startups médias d’aider à réinventer le journalisme dans le futur.

La recherche, menée sur le marché allemand, a porté sur 15 nouvelles entreprises médiatiques. Elle a impliqué une étude empirique sur les études de cas qui combina méthodologiquement les entretiens d’experts avec les fondateurs de startups médias, l’analyse documentaire et, autant que possible, de brèves observations de terrain dans les entreprises. L’étude comprenait des entreprises qui ont commencé indépendamment des médias établis – donc, aucune spin-off ou nouvelle unité commerciale d’éditeurs ou de radiodiffuseurs traditionnels n’a été étudiée – et principalement axée sur la production de contenus journalistiques, et non sur sa diffusion ou sa distribution.

 

Remarque : Cet article a été publié la première fois sur le site anglais de l’Observatoire Européen du Journalisme et traduit par Yosr Belkhiria

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