Le conflit palestino-israélien a connu de nombreux épisodes de liquidation, de déportation ainsi que des tentatives « pacifiques » pour résoudre ce conflit avec la signature des « accords d’Oslo » par les deux belligérants en septembre 1993, sous la houlette des Etats-Unis, « le parrain» du processus de paix. Cette date a représenté un changement dans l’histoire des relations palestino-israéliennes dans la mesure où elle a été fondatrice d’une nouvelle étape cruciale dans la région. Ce « processus de paix » a connu des obstacles imposés par le rythme des négociations, leur nature, les événements régionaux et mondiaux ainsi que le discours de négociation adopté.
Notre recherche, effectuée pour l’obtention du doctorat en Sciences de l’Information et de la Communication à l’Institut de Presse et des Sciences de l’information (Tunisie), a porté sur l’analyse des discours prononcés par les parties au conflit dans le cadre des manifestations officielles, afin de déterminer les fondements apparents et implicites du discours de négociation et connaitre les problèmes de communication qui ont contribué à l’échec du dialogue à plusieurs reprises. Cette recherche nous a permis d’aboutir aux résultats suivants :
Les perceptions des négociateurs
Les discours palestiniens et israéliens ont en commun le fait d’être passés par des périodes différentes, ce qui les a rendus comparables tant pour les aspects positifs que négatifs. Ils ont été positifs depuis le démarrage du processus de négociation jusqu’à la « conférence d’Annapolis » en 2007, ce qui a reflété l’image que chaque partie a essayé de promouvoir. Les deux discours étaient ainsi riches de significations positives. Cependant, le recours du négociateur palestinien aux Nations Unies, a poussé les deux parties à changer les codes linguistiques en ayant recours au langage manichéen, associé à l’adoption du discours de victimisation. Ce qui a transformé le « partenaire » en un acteur négatif après avoir été un acteur positif et ce, dans ses actions, ses valeurs et ses références.
Ce résultat signifie sur le plan communicationnel que les deux parties ont maintenu l’objectif principal de leurs discours qui est d’influencer le récepteur et de le convaincre de la légitimité de leur position et de leur orientation en tant que détenteur du droit et partie lésée. Chaque partie a adopté un discours de victimisation pour gagner la sympathie du récepteur et son soutien afin de justifier les événements et les positions prises avec l’acteur israélien qui va surjouer le rôle de la victime à chaque fois qu’il subit eu des pressions de l’opinion mondiale, en se concentrant sur la souffrance de ses citoyens et sur leur peur constante.
Les parties en conflit ont adopté un langage manichéen, chacun d’eux a essayé de promouvoir son image de « bon » et de « victime » contre l’image de « méchant » et de l’« agresseur » à propos de l’autre, pour légitimer ses réactions. Le discours israélien a déployé une grande propagande pour cette image afin d’incruster dans les esprits son image d’« Etat pacifique » qui ne demande rien d’autre que d’être accepté dans la région et de coexister pacifiquement avec ses voisins. En surévaluant l’image de l’Iran , Israël a voulu se défaire de l’image négative que le négociateur palestinien a promu en se montrant comme étant une « victime » qui se défend face à la multiplicité des dangers et des ennemis dans la région.
Pour mettre en évidence le rôle du médiateur américain, les négociateurs ont adopté dans leurs discours le langage de l’éloge et de la glorification. C’est l’image que le négociateur israélien a essayé de promouvoir, même auprès des Nations Unies. Pour sa part, le médiateur a essayé de confirmer l’image du l’héro sauveur en utilisant le langage manichéen basé sur la dualité du bien et du mal, comme étant l’unique principe qui gouverne le monde. Il a également cherché à promouvoir sa neutralité dans l’exercice de sa médiation.
Les stratégies de communication
Les deux protagonistes ont adopté une « communication d’influence » dont l’objectif était de convaincre le récepteur par leurs thèses respectives.
Afin de confirmer la légitimité de son point de vue, chaque négociateur, a essayé de saper la légitimité de l’autre partie et de l’ignorer en se concentrant sur le besoin de sécurité et de paix. Ce qui a fait que tous les discours se sont basés sur l’argumentation orientée qui vise à stimuler en même temps la raison et l’émotion. C’est ce qui explique le recours à une stratégie de défense dans le discours palestinien à hauteur de 48,88 % et à hauteur de 65,84% dans le discours israélien.
Les arguments fondés sur le réalisme ont été dominants dans les discours des négociateurs et du médiateur avec un pourcentage de 93,58% pour le négociateur palestinien, de 95,15% pour l’interlocuteur israélien et de 98,39 % pour le parrain américain du processus de paix. Les acteurs du processus de négociation ont adopté le mode persuasif pour les arguments présentés avec un pourcentage de 95,62 % dans le discours palestinien et de 52,15% dans le discours israélien, alors que le médiateur américain a adopté ce mode persuasif avec un pourcentage de 67,74%.
L’interlocuteur palestinien a adopté au début une stratégie de coopération qui reflétait la phase d’espoir dans le processus de négociation. Ses discours se sont basés ainsi sur la théorie classique basée sur le succès d’une solution pacifique. Pour atteindre son objectif, il accepté ce qu’on lui a donné et la politique du progrès par étape des négociations. Ce qui l’a exposé aux pressions internes de son propre camp, à la pression du médiateur et à celle de son partenaire. Les résultats ont été ainsi faibles et flous, ce que l’a poussé à recourir à l’ONU et à adopter une campagne de communication basée sur le droit international. Il a ainsi concilié la stratégie de « défense » avec celle du « conflit et du veto».
En revanche, le négociateur israélien a adopté la stratégie de l’épuisement et du gain de temps, ce qui a fait paraitre sa stratégie de communication et sa politique de négociation comme étant clairement en faveur de son intérêt, qui consiste à abandonner la référence à la légitimité internationale. Il a essayé dès le début de faire perdre le temps aux Palestiniens en évitant de s’engager sur un calendrier et en remettant en question les engagements d’Israël à chaque renouvellement de premier ministre. Il a cherché à embarrasser le négociateur palestinien et à le pousser à se concentrer sur des questions d’actualité au lieu d’aborder les questions relatives au statut final, en exploitant aussi chaque concession palestinienne et en l’adoptant comme point de départ de la négociation afin d’arracher plus de concessions.
Pour sa part, le médiateur américain, n’as pas dévié de sa « stratégie de défense » basée sur le postulat « pas de paix hors de la table des négociations », mais loin des structures de l’ONU. Ce qui conforte à la thèse israélienne et explique la prédominance de cette stratégie dans le discours du médiateur américain avec un pourcentage de 81,95% et son insistance pour qu’il soit le seul médiateur du processus de paix, en fermant les yeux sur la violence israélienne. Il cherche à aider Israël afin de normaliser ses relations avec les mondes arabe et musulman et avec les pays qui sympathisent avec les Palestiniens et à briser son isolement régional en présentant l’image d’un pays démocratique et défenseur de la paix.
En outre, le médiateur américain a mis sur le même pied d’égalité du point de vue éthique et juridique la colonisation illégale des territoires palestiniens d’une part et le droit des Palestiniens à revendiquer leurs terres. Il a essayé de reprendre les négociations à chaque fois qu’il y a eu un blocage afin de faire pression sur la partie palestinienne et l’amener à de nouvelles concessions avant de reprendre le dialogue. Et il a essayé aussi de renforcer la position de son allié israélien afin d’assurer son influence sur la région du Moyen-Orient.
Remarque : Cet article a été publié la première fois sur le site arabe de l’Observatoire Arabe du Journalisme et traduit par Nouha Belaid
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