Les vérifications de faits font depuis longtemps partie d’une certaine tradition journalistique (le service de vérification des faits du journal The New Yorker est célèbre depuis des décennies), mais elles se sont considérablement développées après l’élection de Donald Trump et le vote pour le Brexit en 2016.
À une époque où nous avions désespérément besoin de nous attaquer au problème de la désinformation en ligne, la vérification des faits semblait être un moyen pour réaffirmer l’importance des preuves vérifiables et défendre les valeurs du journalisme. Le Réseau international de vérification des faits (The International Fact-checking Network) a adopté un code de principes qui a été signé par des dizaines de groupes du monde entier et des donateurs y compris Facebook ont contribué au financement.
Il n’était pas clair que la vérification des faits fonctionnerait, mais deux ans après la généralisation de la vérification des faits au niveau mondial, nous commençons à obtenir plus d’informations et à entendre directement des vérificateurs des faits demandant ce que le gouvernement et les plates-formes voudraient connaître pour vérifier les faits plus efficacement.
À la fin du mois de juillet dernier, Full Fact, une organisation britannique spécialisée dans la vérification des faits, a publié un rapport faisant état de ses expériences avec le programme de vérification des faits mis en place par Facebook. Clairement écrit et présentant des recommandations judicieuses, le rapport préconisait l’extension du programme à Instagram et à plus grande échelle.
Ce rapport a également déclaré que Facebook devait faire preuve de beaucoup plus de transparence sur l’utilisation des informations fournies par les vérificateurs, ainsi que sur ses projets de développement de l’intelligence artificielle afin de filtrer les fausses informations. Il a appelé le gouvernement à élargir les informations précises qu’il fournit sur des sujets sensibles tels que la santé, où la désinformation abonde.
Plus qu’une simple démystification
Cette tendance à être plus proactive se reflète également dans une déclaration commune publiée en juin par Full Fact, le groupe de vérification des faits argentins du Royaume-UniChequeado, et Africa Check, sur la nécessité de vérifier les faits non seulement pour démystifier, mais aussi pour lutter activement contre l’offre fausses informations, par exemple en faisant savoir aux agents publics que leurs affirmations sont erronées.
L’ancien directeur d’Africa Check, Peter Cunliffe-Jones, a déclaré que les membres du personnel contactent les responsables pour leur dire s’ils sont en train de répété des mensonges et leur demandent des corrections. En 2018, le service de police sud-africain (SAPS) a révisé publiquement toute une série de statistiques annuelles sur la criminalité après que Africa Check les ait contactées et a mis en évidence des erreurs qui ont eu pour effet de réduire le taux d’augmentation de certaines catégories de criminalité et baisse d’autres taux.
Au Niger, Africa Check collabore avec des responsables du ministère de la Santé, des représentants du corps médical et d’autres personnes afin d’identifier les informations erronées sur la santé, d’établir comment elles nuisent à la santé publique et de sensibiliser le public. Tout cela fait partie de ce qu’ils appellent la vérification des faits de la « deuxième génération», qui cherche l’action plutôt que juste la sensbilisation.
Comme le dit la déclaration commune:
«Il existe un vieux slogan parmi les militants: éduquer, agiter, organiser. Les vérificateurs de faits se sont concentrés sur l’éducation pendant longtemps. À l’avenir, il nous appartiendra d’agiter nos lecteurs réguliers et engagés et de nous organiser pour défier ces puissants groupes et organisations qui fournissent et promeuvent des informations erronées sans rendre de comptes ».
Consensus émergent
Au Brésil, Claire Wardle, Angela Pimenta et d’autres ont achevé l’évaluation de Comprova, l’alliance brésilienne de vérification des faits qui s’est réunie à l’approche des élections présidentielles de 2018. Les journalistes de différents médias ont sollicité les conseils du public, puis ont coordonné leurs efforts pour vérifier le contenu en ligne et diffuser leurs commentaires.
Financé par Facebook et Google News Initiative, le groupe a été relancé sous le nom de Comprova 2.0 et prévoit de poursuivre ses travaux pour le reste de l’année et au-delà s’il parvient à trouver des fonds.
Pendant ce temps, un consensus se dégage sur le fait que les plates-formes doivent fournir plus d’informations sur ce qu’elles font avec les informations qu’elles reçoivent et sur la manière dont les efforts peuvent être redimensionnés. Pour un compte-rendu plus détaillé du fonctionnement de la vérification des faits, voir mon article récent sur Media Power Monitor.
Remarque : Cet article a été publié sur le site anglophone de EJO et a été traduit pour AJO par Nouha Belaid