L’adoption de Twitter par les politiciens libanais : s’agit-il de la communication ou du marketing politique ?

décembre 27, 2017 • Articles récents, Derniers articles, Les infos du numérique, Media et Politique, Media et Politique • by

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Dr Maha Zaraqit a publié récemment un article dont le titre est «Communication politique au Liban à travers Twitter : qu’est ce qu’il a rendu ce nouveau média différent ?». Cet article s’est basé sur le suivi des réactions des ministres du gouvernement libanais sur Twitter, durant un mois.

Avec l’avènement de nouveaux médias tels que les deux médias sociaux « Twitter » et « Facebook », la communication politique a vécu plusieurs changements au Liban, en dépassant le cadre des médias traditionnels. Jadis, elle était limitée aux interviews télévisées ou radiophoniques ou aux déclarations écrites. Elle adoptait aussi dans le passé, une stratégie à court terme, liée à un grand flux d’informations, avec un espace de temps réduit dans les médias traditionnels.

Dans cet article, l’auteur a mis l’accent sur les nouveaux modes de communication politique enregistrés auprès des politiciens libanais qui ont créé leurs propres comptes sur Twitter pour annoncer des nouvelles ou des décisions relatives à leurs ministères ou leurs parties politiques ou pour donner leurs avis sur des sujets précis, sans avoir besoin des journalistes ou des médias traditionnels.

Selon les résultats du suivi des activités des membres du gouvernement en mai 2016, il s’est avéré que le Premier Ministre libanais, Saad Hariri est le politicien le plus interactif sur Twitter, alors que le député Walid Joumblatt est le moins interactif vu que son dernier tweet date de 2014.

En ce qui concerne les ministres présents sur les médias sociaux pendant la période de cette recherche, 10 ministres seulement d’un total de 24 ministres ont été actifs, à savoir : le chef du gouvernement, Tammam Salam, le ministre des affaires étrangères, Gebran Bassil, le ministre de la culture, Roni Areiji, le ministre de l’éducation, Elias Bou Saab, le ministre de l’intérieur et des municipalités, Nouhad Al Machnouk, le ministre des finances, Ali Hassan Khalil, le ministre de la justice Ashraf Rifi, le ministre de l’environnement Mohammed Al-Mashnouk, le ministre des télécommunications, Boutros Harb et le ministre de l’économie, Alan Hakim. Donc 14 ministres y compris le ministre de la communication, s’absentaient sur les médias sociaux.

L’article a dévoilé aussi que la présence de certains ministres de ce gouvernement a été associée à sa prise de fonctions. A titre d’exemple, les deux ministres Boutros Harb et Alan Hakim ont créé leurs comptes Twitter à partir du moment où ils ont occupé leurs positions au sein du gouvernement.

L’article confirme déjà une disparité dans l’adoption de Twitter dans la communication politique des ministres libanais, comme il y a trois ministres seulement qui sont présents d’une manière permanente sur le site, par le biais des tweets. Ils utilisent ainsi assez souvent les outils fournis par Twitter pour faire apparaitre leurs tweets dans différents endroits sur le site et en liaison avec les nouvelles. Mais il s’est avéré d’après cette étude que l’administration de ces comptes Twitter à été confiée à d’autres personnes.

Analyse de contenu des tweets des politiciens libanais: absence de communication politique

L’auteur a montré que le chef du gouvernement Tammam Salam n’a pas utilisé comme il faut Twitter vu qu’il s’est limité à la publication des photos de ses réunions à l’étranger en absence des tweets portant sur ses déclarations faites au cours de ces réunions ou sur les décisions prises.

L’étude révèle aussi qu’au cours des échanges entre eux sur Twitter, les ministres n’utilisent pas les fonctionnalités les plus importantes du site, qui permettent l’interaction et la discussion à savoir le signe d’identification, le « @ ». Donc le ministre ne sera pas en mesure d’assurer le suivi des discussions ou de répondre à la question posée par un autre ministre. D’ailleurs, parmi les dix ministres présents sur Twitter, deux seulement suivent les comptes des autres ministres, à savoir, le ministre de l’éducation et le ministre des finances. Mais eux aussi, ne s’identifient pas avec le « @ » quand ils se communiquent entre eux ou avec les internautes.

Ainsi, la majorité des ministres n’a pas profité de la possibilité d’interaction et de discussion offerte par Twitter, que ce soit par ignorance de l’importance du « @ » ou par choix tel qu’est le cas du ministre de l’économie, qui a identifié son parti (Le Parti Attalâa) dans un tweet en utilisant le « @ » mais il n’a reçu aucune réponse ou interaction avec ce tweet.

En revanche, certains ministres ont adopté un langage sur Twitter qui a été rejeté par les internautes. Par exemple, l’utilisation du mot « arrachement » dan un tweet du ministre des affaires étrangères Gebran Bassil a été critiqué.

L’étude a aussi confirmé que le recours de certains ministres à Twitter avait comme objectif : collecter plus de cliques « j’aime » et assurer leurs popularités sur le site. Connu par son nombre de caractères limité (140 caractères), Twitter était une plateforme qui permettait aux membres du gouvernement libanais de formuler des phrases sous forme de slogans ou d’adopter des slogans populaires, ce qui n’a aucun lien réellement avec la communication politique. Twitter est donc utilisé comme un outil de provocation politique.

D’autres ministres libanais ont bloqué certains abonnés (followers) afin de mettre fin à des campagnes virtuelles de critiques et d’insultes, tel que le cas du ministre de l’environnement, Mohammad Al-Mushnouk. Ce dernier a vécu une vague de critique sur Twitter après avoir signalé le danger que subisse les enfants s’ils avalent des insectes. Bien qu’il ait au début de cette vague, expliqué que le nombre limité de caractères sur Twitter l’a empêché de développer son idée, il a fini par bloquer certains de ses abonnés.

Cette recherche a conclu que les ministres du gouvernement libanais considèrent Twitter en tant qu’une plate-forme de promotion et de récolte d’opinions. Ce qui explique ainsi leur échec à tirer profit de ce site dans le domaine de la communication, après l’avoir utilisé comme un outil de marketing politique. Ceci s’explique par: l’absence des plateformes de diffusion de l’information transparente auprès des citoyens pour gagner leur confiance, le recours au marketing personnel et la non maitrise des fonctionnalités diverses de Twitter.

Notons que cette étude a été publiée dans un ouvrage collectif en mai 2017 par le Centre des Etudes de l’Union Arabe, Beyrouth. Cet ouvrage est une publication des actes du colloque «Médias Arabes et enjeux du changement», organisé en mai 2016 par la Faculté de l’Information de l’Université Libanaise, sous la direction de Dr Nahawand Qadiri Aissa.

Remarque : Cette article a été publié la première fois sur le site arabe de l’Observatoire Arabe du Journalisme et traduit par Nouha Belaid.

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