«Le business des fausses nouvelles»: des politiciens et des journalistes pris au piège de leurs «campagnes»

mars 2, 2018 • Articles récents, Derniers articles, Ethique et Qualité • by

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Les fausses nouvelles (fake news) envahissent le monde. C’est le cri des dirigeants et de ceux qui s’intéressent aux affaires publiques à l’échelle internationale.

En Tunisie, le cri n’a pas encore été entendu, bien que depuis sept ans des dizaines de fausses nouvelles aient manipulé l’opinion publique, mêlé politiciens et journalistes et menacé de provoquer des crises. Cependant, personne n’a dénoncé les « tromperies » qui atteignaient un niveau sans précédent à travers les fausses nouvelles qui sont désormais dans les médias traditionnels et pas seulement sur Facebook.

«Al-Azhar barre la Tunisie de la liste des pays musulmans», telle est la « nouvelle » relayée sur les réseaux sociaux et citée par des sites d’information avec un background expliquant les soi-disant motifs de cette décision. Cette fausse nouvelle a été propagée pour susciter des réactions agressives et méprisantes à l’égard d’El-Azhar (mosquée-université de référence en Egypte). Ces fausses nouvelles ont été alimentées par l’argumentaire que la Commission des libertés et de l’égalité (mise en place par le Président de la république tunisienne pour l’harmonisation du droit tunisien avec les normes internationales des droits de l’Homme) avait soumis une proposition de modification de la loi sur l’état civil afin de donner à l’enfant la possibilité de porter le nom de famille de sa mère, d’une part et pour l’abolition de certaines règles relatives à la dot, d’autre part. Un contexte qui a renforcé la crédibilité de la « nouvelle», laquelle a été largement publiée, impliquant des dirigeants, des députés du parlement et des journalistes dans sa propagation, malgré le démenti des autorités officielles circulant sur Facebook pendant deux jours.

Ceci est un échantillon de «fausses nouvelles» précédé de centaines d’exemples, dont la publication sur une page Facebook intitulée «France 24», d’une annonce de la mort du président tunisien Beji Caid Essebssi. Une fausse nouvelle qui s’appuyait sur le nom de la chaîne française pour crédibiliser son contenu. Ni le démenti de la présidence de la République ni celui de la chaine en question n’a empêché la circulation de cette fausses nouvelles.
Avec cette rumeur, le problème des fausses nouvelles a, pour la première fois, officiellement été posé en Tunisie avec une tendance à renforcer les sanctions infligées aux diffuseurs de fausses nouvelles. Mais cette menace est aussitôt retombée dans l’oubli en dépit de son caractère alarmant pour les pays occidentaux.

La menace pour les pays, exprimée par le président français Macron et la chancelière allemande Merkel explicitement au sujet de la législation criminalisant la publication de ces nouvelles, est qu’aujourd’hui, il existe des entreprises spécialisées dans la « désinformation » ou manipulation par fausses nouvelles, à bas prix pour les campagnes menées sur les sites de réseaux sociaux.

Ces sites, en plus des moteurs de recherche, ont annoncé qu’ils font face à un gros problème et qu’ils vont adopter plusieurs mesures pour le réduire, comme Facebook, Google et Twitter, mais ces mesures demeurent encore infructueuses. Ceci est expliqué par une étude récente de Trend Micro, une société spécialisée dans la cybersécurité.
L’étude «la machine à actualités fantôme: comment les promoteurs exploitent Internet et manipulent le public», explique comment mener à bien ces campagnes et leurs coûts.

En effet, leurs coûts diffèrent d’une campagne par des comptes réels à une campagne via des bots, (un programme qui gère de faux comptes dans une industrie où des noms tels que Xiezuobang et un homologue russe ont émergé dans le commerce, qui comprend également CoolSouk et Dr.Followers). En Tunisie, c’est un peu différent: les utilisateurs de Facebook sont devenus une cible pour des dizaines de pages qui ont exploité le climat public: les Tunisiens ont voyagé dans « l’espace bleu » pour fuir les médias traditionnels en raison d’une image ancrée dans leurs esprits depuis l’époque du président déchu Ben Ali.

Cet amalgame a été exploité par les partis politiques et par les pages Facebook qui ont mobilisé des centaines de milliers d’adeptes pour promouvoir les fausses nouvelles. Et de rappeler la campagne dont avait fait objet le Parti démocrate progressiste, Al Jomhouri actuellement, aux élections de 2011. Cette campagne qui a visé son chef Najib Chebbi et sa secrétaire générale Maya Jeribi, et qui était un des facteurs de l’échec électoral du parti.

La Tunisie a connu depuis, des dizaines de campagnes. Des campagnes menées par des pages qui sont réputées proches d’un parti politique qui se charge de la diffusion de fausses nouvelles et d’articles sur les sites de réseaux sociaux comme un fait, pour guider l’opinion publique à l’instar des documents divulgués relatives au « plan » et aux « espions » des EAU en Tunisie.

La campagne commence avec la publication, la réédition d’un article de journal et l’ajout d’une introduction qui inclut ce qui est censé être mémorisé dans l’esprit de l’internaute pour être échangé des milliers de fois et devenir une réalité. Le processus est parfois basé sur des articles publiés dans des sites satiriques qui se déclinent en tant que tels et qui publient des « news » à l’instar de l’information sur le « Yacht » de Samir Dilou (Ex ministre et député islamiste) et la prostitution dans les rangs de « Daech », qui est devenue une version officielle adoptée par le ministère de l’Intérieur en 2014.

Des centaines de fausses nouvelles ont conduit l’opinion publique en Tunisie et créé une humeur générale volatile dans la plupart des cas, mais le plus dangereux est qu’ils dirigent maintenant la classe politique et les décideurs en Tunisie: de nombreux parlementaires sont impliqués dans la publication de fausses nouvelles lors des séances plénières diffusées directement sur la deuxième chaîne nationale de télévision pour lui donner de la crédibilité.
Des pays anciens dans leur expérience démocratique reconnaissent que ce dilemme de la diffusion de fausses nouvelles représente un danger pour la démocratie et la liberté. Cependant, en Tunisie, personne n’admet que la fausse nouvelle menace sa voie démocratique et est exploitée par des entités politiques pour réaliser des gains ponctuels sans se rendre compte que ceci menace tout le monde.

Remarque : Cet article a été publié dans le journal tunisien « Le Maghreb » et traduit par Yosr BelKhiria

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