Les technologies de l’information et de la communication ont profondément changé les procédés de production, les habitudes de consommation et les modes de circulation des pratiques et des produits culturels. Ces changements apportés par le numérique ont contribué à l’émergence de nouveaux rapports à la culture chez les principaux acteurs en interaction : le créateur avec ses nouvelles formes d’expression culturelles et le public avec ses nouvelles pratiques culturelles.
En effet, les expressions et les pratiques culturelles ont souvent suivi les développements des technologies appliquées aux médias et aux arts. Ce constat d’évolution technique explique le processus dynamique de renouvellement continuel de ces deux aspects de l’action culturelle aboutissant à une révolution du secteur. Ce processus d’innovation confirme aussi le caractère permanent des mutations de la culture comme expression et pratique. Saisissant l’opportunité des fonctionnalités offertes par l’explosion du numérique (multimédia, interactivité, instantanéité, collaboration, dématérialisation, hyperliens, mobilité…), le rythme des mutations liées à la création et à l’exposition s’est accéléré de manière spectaculaire pour aboutir à une véritable reconfiguration des expressions et pratiques culturelles.
La désormais tradition de recherche sur la thématique a interrogé les apports des TICs à la culture en observant les aspects portant sur les pratiques, la création, la consommation et l’appropriation culturelles via les supports et outils numériques tout en questionnant leur rôle social. Dans cette vision, il a été aussi question d’analyser les évolutions du rapport de l’usager du numérique à la culture en revenant sur les glissements en matière de statut entre créateurs et publics : du créateur amateur au créateur professionnel et du public actif au créateur amateur. L’observation empirique et contextualisée de cette réversibilité dans les rapports à la culture a été toujours privilégiée et ce, en étudiant l’appropriation de nouvelles activités liées à la culture permises par les fonctionnalités numériques mobilisées : numérisation, navigation, programmation, remix, diffusion, expression, collaboration, transfert, médiation…
Ce présent ouvrage intervient dans le sillage de ce développement légitimant la pertinence scientifique et sociétale de la thématique de la culture à l’ère du numérique. Dans ce volume collectif, nous présentons une quinzaine de chapitres sélectionnés parmi les textes communiqués lors du colloque international : « Reconfiguration des expressions culturelles à l’ère du numérique en Méditerranée » organisée à l’université de Béjaïa, en Algérie, en novembre 2015.
Bien plus, la problématique posée lors de ce colloque entendait situer la culture méditerranéenne dans les déclinaisons multiples des formes d’expression en dialogue dans les espaces sociaux objets de ce travail scientifique. En effet, l’espace méditerranéen est objectivé dans plusieurs expériences de recherches transversales, notamment sur les questions relatives à la communication et à la culture.
Force est de constater que les expériences de ce qui est appelé communément « printemps arabe » n’ont pas manqué d’induire d’une façon ou d’une autre les cultures voisines, en ce sens que les interrogations sur l’apport des TICs dans l’apparition de nouvelles formes d’expression et de mobilisation représentent une de ses figures. Et ce, d’autant plus que cet apport des TICs a été vérifié dans les pratiques culturelles nouvelles des jeunes notamment via le digital art.
Dans cet ouvrage, les auteurs ont abordé plusieurs composantes du trinôme culture, art et numérique.
– Les nouveaux procédés de création et les nouvelles formes d’expression culturelle ont été explorés en observant les fonctionnalités numériques et les plates-formes mises en œuvre par les créateurs dans leur processus de création et de valorisation de la culture dans ses différentes expressions (artistiques, patrimoniales, linguistiques, identitaires…).
– Les nouvelles pratiques culturelles ont été interrogées en insistant sur leur émergence en tendances actuelles des modes de consommation des produits culturels numériques. L’objectif est de découvrir, auprès des usagers, les nouveaux rapports des publics avec ces supports de production et dispositifs de diffusion des produits culturels.
– Les études situées ont mis en évidence les implications de ces nouvelles habitudes d’exposition et de consommation : pratiques effectives, préférences, fréquences, constitution de nouveaux publics, des profils de publics liés à des profils d’usagers, fidélisation, pratiques nomades, culture de partage en réseaux sociaux. Cet axe a aussi envisagé de comprendre les effets du numérique sur les pratiques culturelles traditionnelles (renouvellement, extension, renforcement, délitement ou innovation…).
– Par ailleurs, l’intérêt a été aussi porté sur les nouvelles figures de créateurs en mettant l’accent sur leurs profils en matière de compétences techniques, de culture numérique et de créativité, et sur le rapport créateur amateur/professionnel. L’analyse a porté sur la transformation du statut de l’acteur culturel, et les processus de production, d’acheminement, de diffusion des « oeuvres culturelles » et de promotion d’événements culturels.
– La conscience des risques liés au numériques a été expliquée par l’enjeu des nouvelles interrogations sur la confiance, des spécificités culturelles et des contacts des cultures. Rappelons que l’intrusion spectaculaire de la culture dans le réseau Internet a été souvent associée aux discours de méfiance et de risque ; et ce, en creusant les enjeux portant sur la sécurité et la liberté de l’usager en tant que créateur et/ou en tant que public, en interrogeant l’évaluation des contenus, l’anonymat des interlocuteurs, la vérification des sources et la maitrise des archives.
– Le domaine de la construction et des médiations patrimoniales est également saisi dans cette double prise de conscience : celle des transformations numériques qui ouvrent à de nouveaux engagements, au développement de nouvelles connaissances et productions en interaction avec les publics et celle de la grande complexité des enjeux de nouvelles logiques de production territorialisées ou déterritorialisées des patrimoines et des mémoires.
– L’avènement de l’Internet a donné lieu à une reconfiguration du journalisme, qui se décline désormais selon plusieurs formes d’expression intégrant des initiatives individuelles via les pure players (journalisme citoyen, ou participatif) et les entreprises médiatiques déjà intégrées dans le processus de production de l’information, désignés indifféremment par le vocable « presse en ligne ». Malgré le caractère instable des modèles économiques qui ont propulsé la production/ publication en ligne, force est de constater que les expressions culturelles se positionnent bien dans les nouveaux médias en donnant la possibilité soit de valoriser la culture ou de la rendre visible dans certains contextes.
Les études comparées portant sur des expériences issues des deux rives de la Méditerranée ont été favorisées en axant l’analyse sur les aspects techniques : accès aux TICs, numérisation des produits culturels, culture numérique, politiques culturelles, piratage, etc.
Cet ouvrage s’efforce également d’aborder les différentes filières de la culture les plus investies par les TICs : créations littéraires et artistiques, industries culturelles et créatives, patrimoine matériel et immatériel, médias.
L’ouvrage est structuré en trois parties complémentaires, interconnectées, et représentatives des évolutions des expressions et des pratiques culturelles à l’ère du numérique en Méditerranée : les pratiques culturelles et l’art numérique, les médias numériques et médiation de la culture et du patrimoine, et les logiques culturelles et médiatiques à l’ère du numérique
Dans cet ouvrage, la démarche pluridisciplinaire privilégiée lors de la réalisation des enquêtes empiriques a permis d’accéder au terrain à travers des études de cas précis et contextualisés de manière à examiner de près les phénomènes liés à la culture ‘numérisée’ en Méditerranée. Nous considérons que traiter la thématique de la culture combinée aux TICs dans cette aire géographique, avec toute sa complexité, ne peut être envisagé sans interroger les aspects liés à la diversité et aux spécificités linguistiques, ethniques, civilisationnelles, etc.
C’est pourquoi nous sommes convaincus que les recherches sur l’apport des TICs à l’échange interculturel et à l’émergence d’une culture méditerranéenne sont à privilégier et à mettre en valeur.
Remarque : Cet article est une l’introduction synthétisée de l’ouvrage
TagsHarmattan, numérique, pratiques culturelles, reconfiguration